Thinking Otherness in Care: A Reection based on Levinas and Ricoeur
Penser l’altérité dans le soin: une réexion à partir de Levinas et Ricoeur
Ericbert Tambou Kamgue
École Normale Supérieure de l’Université de Bertoua, Cameroun
Escuela Normal Superior de la Universidad de Bertoua, Camerún
ISSN: 0123-5095 E-ISSN: 2389-9441
Cuestiones de Filosofía Vol. 10 - N° 34. Enero - junio. año 2024. pp. 131-146
Artículo de Investigación
Resumen
La relación asistencial se estructura en
torno a la demanda y la oferta de cuidados.
Muy a menudo está condicionada por las
actitudes del paciente hacia su enfermedad
y las reacciones que estas actitudes suscitan
en el cuidador. En la práctica cotidiana, el
otro (paciente/cuidador) suele verse como
un objeto y/o un medio. Las quejas de
pacientes y cuidadores en los hospitales
son prueba suciente de la necesidad de
una reexión ética sobre la relación con
el otro en la práctica médica. Cada uno
de los protagonistas de la relación quiere
ser considerado como un ser único, una
persona reconocida como tal. Más allá de
la técnica exigida y del entorno impersonal
del hospital, es importante cuestionar la
alteridad en los cuidados. Las éticas de
Emmanuel Levinas y Paul Ricœur parecen
ser paradigmas para comprender cómo se
puede tener en cuenta al otro en la práctica
de los cuidados. El objetivo de este trabajo
es realizar una hermenéutica de los textos
de estos dos autores para poner de relieve
su concepto de alteridad y cómo puede
aplicarse ésta en la relación asistencial.
Palabras clave: otredad, cuidador, paciente, responsabilidad, atención.
Recepción / Received: 27 de diciembre del 2023
Evaluado / Evaluated: 11 de febrero del 2024
Aprobado / Accepted: 06 de marzo del 2024
Historia del artículo / Article Info:
Correspondencia / Correspondence: Ericbert Tambou
Kamgue. École Normale Supérieure de l’Université de Bertoua,
HMHV+9V5, N10, Bertoua, Cameroun (Código Postal: 652).
Correo-e: ericberttk@outlook.fr
Citación / Citation: Tambou, E. (2024). Penser l’altérité dans
le soin: une réexion à partir de Levinas et Ricoeur. Cuestiones
de Filosofía, 10 (34), 131-146
https://doi.org/ 10.19053/uptc.01235095.v10.n34.2024.17046
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Abstract
The caring relationship is structured around the demand and supply of care.
It is very often conditioned by the patient's attitudes towards their illness
and the reactions these attitudes evoke in the carer. In everyday practice, the
other (patient/carer) is often seen as an object and/or a means. Complaints
from patients and carers in hospitals are sucient evidence of the need for
ethical reection on the relationship with the other in medical practice. Each
of the protagonists in the relationship wants to be considered as a unique
being, a person recognised as such. Beyond the required technique and the
impersonal environment of the hospital, it is important to question otherness
in care. The ethics of Emmanuel Levinas and Paul Ricœur seem to us to be
the paradigms for understanding how the other can be taken into account in
the practice of care. The aim of this work is to carry out a hermeneutic of the
texts of these two authors in order to highlight their concept of otherness and
how it can be applied in the care relationship.
Keywords: otherness, caregiver, patient, responsibility, solicitude.
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Ricoeur. Cuestiones de Filosofía, 9 (33), 131-146.
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La relation soignante se structure autour d’une demande et d’une ore de
soins, lieu de compétence, de rigueur technique et de méthode. Elle est
productrice de sens (diagnostic, analyse des causes multiples) et de soins
(réparation du dommage observé). Cette relation est très souvent conditionnée
par les attitudes qu’adoptent le patient face à sa maladie, et par les réactions
que ces attitudes produisent chez le soignant. Dans la pratique quotidienne,
la relation de soin tend généralement à être réduite à la demande et à l’ore
des soins où l’autre (patient/soignant) est considéré comme un objet et/ou un
moyen. Les plaintes des patients et des soignants témoignent à susance de
la nécessité de la réexion éthique sur la relation à l’autre dans la pratique
médicale. Au-delà de la technique requise et du cadre impersonnel de
l’hôpital, il est important de s’interroger sur l’altérité dans le soin. Car, « se
poser en permanence la question de l’autre dans la relation de soin est l’un
des fondements de la démarche éthique » (Hirsch, 2002, p. 9).
Penser l’altérité dans la pratique médicale revient à réexionner sur les conditions
qui permettent d’orir à tous « une médecine à visage humain », respectueuse de la
dignité et de l’autonomie du patient comme du soignant. À ce niveau, les éthiques
de Levinas et de Ricœur paraissent être des paradigmes de compréhension de
la prise en compte de l’altérité dans la relation soignante. En eet, la relation
de soin est « une relation confrontée à une véritable altérité » (Canto-Sperber
& Ogien, 2017, p. 85) : celle du patient et celle du soignant. L’altérité s’avère
centrale dans les philosophies de Levinas et de Ricœur bien qu’ils la construisent
selon deux modèles distincts. Levinas pense la relation comme responsabilité
asymétrique où il voit dans l’autre la possibilité d’un agir éthique qui passe par
son accueil. Ricœur, par contre, la conçoit comme sollicitude et perçoit dans
l’autre une armation potentielle de l’identité du soi.
Je procéderai dans ce travail à une herméneutique des textes de ces deux
auteurs an de mettre en exergue leur conception de l’altérité et comment
celle-ci peut donner sens à la relation de soin. Il est question ici de comprendre
la relation à autrui dans le soin à partir de la conception de l’altérité de ces
deux philosophes. Le soin, écrit Svandra (2018), peut être l’occasion de jeter
un pont entre autrui (le patient) et moi (le soignant) : d’où l’intérêt de prendre
en compte l’altérité au sein de la relation soignante. Autant le soignant est
interpellé par l’altérité du malade dont la vulnérabilité et le dénuement
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appellent à l’aide, autant le malade
1
est interpellé, dans la mesure du possible,
par l’altérité du soignant qui l’invite à avoir une attitude de respect et de
sympathie à son égard.
La primauté de l’autre sur le sujet
La pensée de Levinas est une critique de toute philosophie qui occulte l’altérité
ou qui tient « à neutraliser l’altérité » (Levinas, 1972, p. 44). Sa réexion sur
l’altérité s’inscrit en rupture avec la philosophie occidentale qui commence
avec Socrate. Selon Levinas, cette philosophie est une égologie (1974a,
p. 14) c’est-à-dire une philosophie axée sur l’être. Dans la thématisation
et la conceptualisation prônée par la philosophie occidentale, il y a une
possession de l’autre qui nie son indépendance. On assiste dès lors à une
domination, une violence. En eet, « la thématisation et la conceptualisation,
d’ailleurs inséparables, ne sont pas en paix avec l’Autre, mais suppression
ou possession de l’Autre. La possession, en eet, arme l’Autre, mais au
sein d’une négation de son indépendance » (p. 16). Parce que la philosophie
occidentale en sa réduction de l’autre au Même n’a été autre chose qu’une
égologie, Levinas pense qu’il est nécessaire de rééchir à partir de l’altérité.
Il est donc important de donner la première place à l’autre, à l’altérité car la
« compréhension de l’être en général ne peut pas dominer la relation avec
Autrui. Celle-ci commande celle-là » (p. 18). La relation avec autrui précède
toute ontologie. Autrui n’est pas l’autre Même ; il n’est pas réductible au
Même. Levinas se refuse de penser l’autre par rapport au sujet. Son point de
départ c’est autrui.
Dans une approche purement curative du soin, l’agir des soignants est régi
par l’équation « une maladie, une cause, un traitement ». La réalité vécue
par le malade ne trouve aucun repère dans cette équation. L’ecacité
thérapeutique repose dès lors sur le schéma « l’organe-le système-la maladie-
le traitement » ; il est important pour le soignant de les maîtriser. Il y a
dans cette approche une méconnaissance de l’altérité du malade, car il ne
gure pas dans le schéma thérapeutique. À ce niveau, on peut dire que la
médecine contemporaine est une réduction de l’altérité du malade à un savoir
essentiellement théorique, un savoir qui est totalité, volonté de puissance,
1 Il est important de préciser que le malade dont il est question dans ce travail est le malade conscient qui
peut interagir avec le soignant et non le malade en état végétatif ou dans le coma ou en phase terminal
de sa maladie.
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thématisation et conceptualisation. Dans cette logique, l’autre – le malade –
est considéré comme un objet de la médecine sur qui on peut agir à sa guise.
Cet enfermement ou anéantissement de l’altérité du malade est perceptible
dans un bon nombre d’actes de soins. C’est le cas par exemple d’un
soignant qui donne des antalgiques à un patient sans chercher à percevoir la
composante biologique ou psychologique à l’origine de son inconfort et de
son mal-être. Un tel soignant, selon la philosophie levinassienne, participe
à la réduction au Même de l’altérité du malade. C’est également le cas du
soignant qui, lors d’une consultation, s’empresse de délivrer une ordonnance
sans prendre en compte la réalité singulière et unique du malade à travers
le dialogue et l’écoute. D’après Benaroyo et al. (2013), lorsqu’on écoute le
malade, les traces de son altérité commencent à apparaître et ce dernier a le
sentiment qu’on s’intéresse à lui pour lui-même. Ainsi, on peut souligner
avec Levinas, qu’une médecine qui occulte l’altérité du patient ne peut
véritablement pas être soignante, car elle enlève toute trace de l’altérité chez
lui : condition essentielle à une rencontre entre le soignant et le patient. La
relation de soin est avant tout une rencontre entre deux êtres humains, et
le soin médical est toujours destiné à un être humain et non à un objet. À
ce niveau, l’éthique levinassienne invite à donner au malade la place qui
lui revient, son statut d’altérité dans la relation de soin. La relation entre
les êtres humains est quelque chose de non-synthétisable. La relation de
soin, par conséquent, ne saurait se réduire à la domination du soignant sur le
soigné à travers le processus d’objectivation. Elle se situe dans la rencontre
l’autre – le malade – demeure « Autrement qu’Autre ». Il n’est pas objet
de connaissance dans la relation de soin. À cet eet, le soignant ne peut pas
le saisir, ni le dominer. Le malade n’aecte pas le soignant « comme celui
qu’il faut surmonter, englober, dominer, – mais en tant qu’autre, indépendant
de [lui] » (Levinas, 1974a, pp. 61-62). De ce qui précède, on peut déduire que
l’altérité du malade, son vécu et son expérience, ne sauraient être assimilés
à une approche biomécanique de la médecine. Le respect de l’altérité du
malade se traduit par le souci qui lui est accordé par le soignant. Lorsque
l’altérité du malade est respectée, ce dernier se voit ainsi investi d’un rôle de
premier plan dans la relation de soin. Il n’est plus dans l’anonymat.
Autrui se présente à moi comme visage sans se réduire à l’image que je
peux avoir de lui. Le visage ne renvoie pas aux traits caractéristiques d’une
personne qui s’ore dans le regard. Levinas le conçoit comme principe d’une
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réexion morale qui permet d’établir le primat de l’autre par rapport au sujet.
Ainsi, dans la relation de soin, le malade se révèle comme visage. Son visage
exprime « une pauvreté essentielle » (Levinas, 1982, p. 80) : sa vulnérabilité.
À sa vue, le visage dévoile ce qu’il est : il est dévoilement. Mais plus encore,
il est « signication et signication sans contexte » (p. 80). Pour Levinas,
autrui – le malade – dans la rectitude de son visage, n’est pas un personnage
dans un contexte. De manière générale dans la vie, les hommes sont des
« personnages ». On est soit enseignant, député, militaire ou membre d’une
famille prestigieuse. Tous ces aspects ont un sens dans un contexte précis.
Leur sens tient à la relation avec autre chose. Or pour Levinas, « le visage est
sens à lui seul. Toi c’est toi. En ce sens, on peut dire que le visage n’est pas
‘vu’’. Il est ce qui ne peut devenir un contenu, que notre pensée embrasserait
; il est l’incontenable, il nous mène au-delà. C’est en cela que la signication
du visage le fait sortir de l’être en tant que corrélatif du savoir » (p. 80).
Le malade se dévoile au soignant comme altérité totale dans la relation de
soin. Il est rencontré comme une personne singulière, qui a une histoire et
une expérience de sa maladie. Il est surtout celui qui soure. Il se dénit
par sa précarité, car il est atteint d’un mal : il a mal et il est mal. C’est de
sa sourance que tout commence. Le visage se comprend donc comme
révélateur de la fragilité du malade.
Aussi, le visage chez Levinas est présence vivante. Il parle. Il se présente en
signiant : ce qui est absolument autre se refuse toute possession. Si le visage
est expression, il est également interpellation. L’expression et l’interpellation
sont des fonctions passives du langage, c’est-à-dire des propriétés qui se
dénissent au-delà de l’intentionnalité du sujet. Le visage du malade est une
indigence qui en soi, sans besoin d’ajouter des paroles explicites, supplie
le soignant. Cette supplication est déjà une exigence de réponse. Elle se
comprend ainsi comme la source de l’éveil éthique du soignant. L’expression
originelle du visage est l’interdiction du meurtre : « le ‘Tu ne tueras point’ est
la première parole du visage » (p. 93). Cette interdiction de tuer qu’exprime
le visage de l’autre « constitue son altérité même » (1991, p. 48). Dans le
visage, l’autre homme se fait présent comme absolument autre. La rencontre
ne s’annonce pas, elle arrive. Levinas (1974a) parle d’épiphanie. Quand le
malade se présente au soignant, la première parole que prononce son visage
est l’interdiction de le tuer. C’est une interpellation à prendre soin de lui, à
lui orir des soins de qualité qui pourront le soulager de cette douleur qui
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l’accable. La présence du patient signie pour le soignant qu’il cesse de se
soucier de lui-même pour se préoccuper de lui. C’est en ce sens que le visage
questionne. Il questionne notre capacité à être aecté par autrui.
Dans cette relation avec l’autre, il y a quelque chose de fondamental qui
s’arme : l’asymétrie. En eet, « dans la relation au Visage, ce qui
s’arme c’est l’asymétrie : au départ peu m’importe ce qu’autrui est à
mon égard, c’est son aaire à lui ; pour moi, il est avant tout celui dont
je suis responsable » (1991, pp. 122-123). Le dénuement inscrit sur le
visage de l’autre m’obsède et me met en question même s’il se refuse à me
reconnaître. Selon Levinas, « la relation intersubjective est une relation non-
symétrique (…) C’est précisément dans la mesure entre autrui et moi la
relation n’est pas réciproque, que je suis sujétion à autrui ; et je suis ‘sujet’
essentiellement en ce sens » (1982, p. 105). L’asymétrie est la caractéristique
fondamentale de l’intersubjectivité chez Levinas. Elle se fonde sur l’idée
selon laquelle mon inquiétude pour l’autre ne dépend en aucune manière de
son éventuelle préoccupation pour moi. À cet eet, elle est l’unique chose
capable d’introduire un peu d’humanité dans le monde et par ricochet dans
la relation de soin.
Selon cette analyse, la relation de soin est une relation éthique asymétrique.
Le soignant et le malade ne se trouvent pas dans une position d’égal à égal. Il
y a une inégalité absolue qui mérite d’être soulignée. Le soignant est celui qui
possède l’expertise médicale et les connaissances techniques pour soulager
et soigner le malade. Ce dernier se laisse guider par les recommandations
de l’équipe médicale, car il espère que son état de santé puisse s’améliorer.
Le pouvoir médical confère au soignant un statut particulier à l’égard du
malade. Si dans cette relation soignante, le soignant utilise cette supériorité
comme un abus de pouvoir, il réduit de fait le malade au Même ; ce qui
serait la n du soin. Le malade, par contre, est dans une posture d’infériorité
à cause de son état de santé et surtout à cause de la possibilité de mourir qui
se fait présente. La marque de l’identité du malade est sa vulnérabilité. La
relation du soignant à son égard s’inscrit dans la dissymétrie et l’inégalité
dans la mesure autrui n’est pas seulement un alter ego, il est le faible. C’est
cette vulnérabilité qui engendre la relation avec le soignant. L’asymétrie se
présente comme le fondement de la responsabilité éthique, car la priorité est
donnée à autrui. Le sujet n’attend rien en retour. Levinas dénit par ailleurs
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la responsabilité comme « la structure essentielle, première, fondamentale de
la subjectivité (…) ; c’est dans l’éthique entendue comme responsabilité que se
noue le nœud même du subjectif » (1982, p. 101). Ainsi, l’identité se noue dans
le rapport étroit qu’elle tisse avec la responsabilité. Dans la pensée de Levinas,
souligne Corine Pelluchon, « [mon] identité, ou plutôt mon ipséité, ce qui est
unique en moi, tient à ma responsabilité pour l’autre » (2010, p. 240).
Dans la relation de soin, le soignant perd son identité de soignant quand il
n’assume pas sa responsabilité pour le malade c’est-à-dire quand il dérobe
« à la prise en charge de l’autre » (1974b, p. 39). Être soignant c’est être
responsable pour le malade. L’objet de la responsabilité est une personne (le
malade) et non un objet (la maladie). Une lecture levinassienne de la relation
de soin nous donne de percevoir la responsabilité du soignant comme étant
une attention particulière portée à l’épiphanie du patient qui est visitation. À
cet eet, l’éveil éthique du soignant consiste en l’acceptation de l’altérité de
son patient s’exprimant dans la vulnérabilité de son visage. Cette vulnérabilité
est appel, assignation, injonction qui se veut éthique. La conception de la
responsabilité levinassienne fait appel à la capacité d’accueil et l’hospitalité
du soignant. Dans la relation de soin, la responsabilité du soignant consiste
à prendre en charge la sourance du malade. Très souvent, une parole, un
sourire, un toucher réconfortant, une présence chaleureuse, une caresse, sont
des réponses à la détresse du malade. Ce sont des gestes humains et simples
que les outils techniques présents dans nos hôpitaux ne peuvent réaliser.
L’assignation à la responsabilité rend compte de la priorité du malade sur
le soignant. Pour Zielinski, « la cause de ma responsabilité est en autrui ; de
moi dépend la réponse, c’est-à-dire l’attitude, la parole ou l’action à venir »
(2004, p. 35). La responsabilité se comprend dès lors comme une attention
particulière au patient et à ses besoins. Le soignant au sens levinassien n’est
pas celui dont la subjectivité rapporte tout vers soi, aveuglé dans l’exercice
d’une médecine indiérente, non humaine. Sa véritable nature consiste en sa
disposition à être aecté par la vulnérabilité du malade et sa volonté de ne
pas le laisser à sa solitude et à sa maladie.
Levinas, dans sa conception de l’altérité, donne la primauté à autrui (le
malade). Le sujet (le soignant) est celui à qui incombe l’agir éthique ; il
est interpellé par autrui (le malade). Ce dernier, à partir de sa vulnérabilité,
oblige le sujet (le soignant) à la responsabilité. La relation part désormais
non plus du Même mais de l’autre dont l’appel enjoint le sujet à ne pas rester
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indiérent. C’est autrui qui est à l’origine de l’ouverture du sujet à l’éthique.
Toutefois, une relation de soin à sens unique est-elle viable ? Ne faut-il
pas envisager une certaine réciprocité dans la relation an de surmonter la
dissymétrie initiale entre soignant et malade ? Ladite réciprocité permettrait
au malade d’être, lui aussi, acteur dans la relation de soin, c’est-à-dire
partenaire du soignant dans la lutte contre la maladie. C’est à ce niveau que
la proposition ricœurienne de l’altérité paraît intéressante.
L’altérité comme inhérente à l’ipséité
Ricœur ne partage pas la conception levinassienne qui donne primauté
à autrui sur le sujet. Pour lui, l’éthique levinassienne ne prend en compte
qu’un seul aspect de la relation à savoir le mouvement d’autrui vers le sujet
en négligeant le mouvement inverse c’est-à-dire celui du sujet vers autrui.
L’appel qu’autrui lance est important. Mais pour l’écouter, il faut un soi
ouvert, qui n’est pas fermé sur lui-même. Dans un échange épistolaire avec
Levinas, Ricœur écrivait : « S’il y a entre vous et moi quelque diérend, il
se situe exactement au point où je soutiens que le visage de l’autre ne saurait
être reconnu comme source d’interpellation et d’injonction que s’il s’avère
capable d’éveiller ou de réveiller une estime de soi, laquelle, je l’accorde
volontiers, restait inchoative, non déployée et inrme hors de la puissance
d’éveil issue de l’autre » (Levinas & Ricoeur, 1994, p. 37). Ce n’est pas autrui
qui confère au sujet (soi) la capacité éthique. La relation éthique commence
chez Ricœur non pas avec un moi, mais avec un soi.
La conception ricœurienne du soi part d’une double critique : celle des
conceptions husserlienne et levinassienne de l’intersubjectivité. Husserl
avait envisagé la connaissance d’autrui à partir de l’égo : Autrui est un
alter-ego. Levinas, en ce qui le concerne, avait situé l’intersubjectivité sur
le plan éthique. Avec lui, la relation à autrui, part de l’autre et non plus de
l’ego. Dans la conception ricoeurienne, Husserl représente le mouvement de
soi vers l’autre et Levinas celui de l’autre vers soi. Ces deux mouvements
sont complémentaires. Le soi ricœurien se présente ainsi comme un soi
qui reconnaît la part d’altérité qui le constitue. Il se comprend toujours
en référence aux autres. Soi et autrui sont liés et maintiennent un rapport
dialectique. C’est dans ce sens qu’on peut comprendre ce passage :
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Tant que l’on reste dans le cercle de l’identité-mêmeté, l’altérité de l’autre
que soi ne présente rien d’original : « autre » gure, comme on a pu le
remarquer en passant, dans la liste des antonymes de « même », à côté de
« connaître », « distinct », « divers », etc. Il en va tout autrement si l’on met
en couple l’altérité avec l’ipséité. Une telle altérité qui n’est pas ou pas
seulement de comparaison est suggérée par notre titre, une altérité telle
qu’elle puisse être constitutive de l’ipséité elle-même. Soi-même comme un
autre suggère d’entrée de jeu que l’ipséité du soi-même implique l’altérité
à un degré si intime que l’une ne se laisse pas penser sans l’autre, que l’une
passe plutôt dans l’autre, comme on dirait en langage hégélien (Ricœur,
1990, pp. 13-14).
L’altérité apparaît chez Ricœur comme étant inhérente à l’ipséité. En eet,
pour entendre l’appel et l’injonction de l’autre, il faut un soi déjà ouvert. C’est
parce que le soi s’atteste comme soi dans l’estime de soi qu’il peut écouter
et répondre à l’appel de l’autre. L’estime de soi est « le moment réexif de
la praxis » (p. 259) ; moment réexif qui est également moment interprétatif.
L’estime de soi est possible par la reconnaissance que nous sommes l’auteur
de nos actes. Elle peut ainsi être comprise comme « l’interprétation de soi-
même médiatisée par l’évaluation éthique de nos actions. L’estime de soi en
tant que telle est un processus évaluatif appliqué indirectement à nous-mêmes
en tant que soi » (p. 394). On peut dire que sur le plan éthique, l’interprétation
de soi devient estime de soi. L’estime de soi suppose que le soi est digne en
vertu de ses capacités et non de ses réalisations. La capacité dont il est question
ici doit être entendue sur le plan éthique. En eet, « je suis cet être qui peut
évaluer ses actions et, en estimant bons les buts de certaines d’entre elles,
est capable de s’évaluer lui-même, de s’estimer bon » (p. 221). La relation à
autrui que propose Ricœur est une relation réciproque. La réciprocité signie
le mouvement du soi vers l’autre, répondant par l’interpellation du soi par
l’autre. À cette réciprocité, il donne le nom de sollicitude, entendue comme
« spontanéité bienveillante, intimement liée à l’estime de soi au sein de la
visée de la vie ‘bonne’ » (p. 222). Elle représente la composante originaire
de l’estime de soi, à savoir sa dimension dialogale. C’est à l’intérieur de
soi qu’agit la sollicitude. Estime de soi et sollicitude ne peuvent dès lors
se vivre et se penser l’un sans l’autre. En tant qu’ouverture sur autrui, la
sollicitude empêche l’estime de soi de se pervertir en repli sur soi. En eet,
« on n’entre véritablement en éthique que lorsque le souci de soi rencontre le
souci de l’autre et qu’à l’estime de soi, s’ajoute la sollicitude pour l’autre »
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(Basanguka, 2005, p. 125). C’est dans la gure de la reconnaissance mutuelle
que la sollicitude de l’autre rend possible l’égalisation de l’échange entre le
soi et l’autre. La sollicitude repose « fondamentalement sur l’échange entre
donner et recevoir » (Ricoeur, 1990, p. 220). Le couple donner/recevoir ne
peut être dissocié sans danger. La réciprocité se présente ainsi comme un
élément important de la relation avec l’autre et par analogie, de la relation
thérapeutique à la lumière de Ricœur. Dans la sollicitude, il y a l’attente du
mouvement retour, le « recevoir ». C’est dans la sollicitude, « que le recevoir
s’égale au donner de l’assignation à responsabilité (…). Cette égalité n’est
certes pas celle de l’amitié, le donner et le recevoir s’équilibrent par
hypothèse. Elle récompense plutôt la dissymétrie initiale, résultant du primat
de l’autre dans la situation d’instruction, par le mouvement en retour de la
reconnaissance » (p. 222).
La reconnaissance se présente comme étant ce qui vient rétablir l’égalité au
sein de la dissymétrie initiale dans la relation avec l’autre. En eet, ce que
recherchent les deux protagonistes (soignant et patient) au sein de la relation
c’est la reconnaissance, car elle touche à quelque chose de fondamental : l’estime
de soi. La reconnaissance renvoie d’une part, à l’idée d’être reconnu car « être
reconnu [c’est] pour chacun recevoir l’assurance plénière de son identité à la
faveur de la reconnaissance par autrui de son empire de capacités » (2004, p.
383). Et d’autre part, elle signie l’idée de la gratitude. Car, « [la] gratitude allège
le poids de l’obligation de rendre et oriente celle-ci vers une générosité égale
à celle qui a suscité le don initial » (p. 374). La dialectique du soi-même et de
l’autre qui n’est rien d’autre que la sollicitude, trouve son expression adéquate
dans la catégorie de la reconnaissance. En prenant la gure de la gratitude, la
reconnaissance compense la dissymétrie originaire entre le soi et l’autre.
Dans la relation avec l’autre sourant, le sujet (soignant) reçoit de ce dernier
une reconnaissance (gratitude) qui en retour, devient l’âme de la sympathie.
C’est cette reconnaissance qui corrige la dissymétrie entre les deux : c’est
à ce niveau que se trouve l’originalité de la pensée de Ricoeur. Il n’est pas
question pour le malade de donner à l’identique ce qu’il reçoit du soignant.
En eet, comment le malade pourra-t-il, sur son lit, donner au soignant à
l’identique ce qu’il a reçu ? L’égalité dans la dissymétrie passe à travers
la reconnaissance, c’est-à-dire la gratitude de l’autre sourant à l’égard
du sujet (soignant). La gratitude ou la reconnaissance permet de préserver
l’altérité du sujet. La reconnaissance se vit dans le geste d’aection, dans
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le sourire adressé au soignant par le malade, dans une attitude respectueuse,
dans le regard bienveillant, mais aussi dans le ‘Merci’ adressé à un soignant
après un acte de soin. La réciprocité ricœurienne ne doit pas être comprise
dans le sens d’une relation marchande le donner équivaut au recevoir.
La reconnaissance, qui est gratitude, restaure une forme d’égalité au sein de
la dissymétrie initiale de la relation avec autrui. Cette dissymétrie n’est pas
supprimée mais préservée car le mouvement du soignant vers le patient n’est
pas identique au mouvement inverse (patient vers le soignant). Derrière la
blouse blanche ou rose se trouve un être humain qui donne de sa personne
et de son savoir à travers sa profession pour soigner et soulager. Le soignant
n’est pas un automate ou un robot ; le patient lui doit respect, courtoisie et
sympathie. Il a aussi besoin de se sentir respecté dans sa profession par les
personnes à qui il ore des soins. C’est ce respect, cette sympathie, cette
courtoisie qui témoignent de la prise en compte de l’altérité du soignant
dans la relation de soin. Ces attitudes ou gestes viennent établir une certaine
réciprocité dans ladite relation.
La relation de soin est une modalité des multiples relations interpersonnelles
que noue l’être humain tout au long de sa vie. C’est une relation qui engage
un rapport véritable avec l’autre. Tout au long de ce travail, il a été question
de penser l’altérité dans la relation de soin à partir de deux philosophes dont
les réexions semblent être d’un grand intérêt pour les questions de soins.
Pour Levinas, l’autre se manifeste à moi comme visage échappant à toute
intentionnalité et à toute connaissance que je puisse avoir de lui. L’accueillir
à travers son visage est un type de « relation sans relation » qui consiste à le
servir, recevoir de lui un commandement. Son visage signie par lui-même
et m’interpelle à la responsabilité. L’autre me constitue responsable, c’est-à-
dire capable de répondre. Ainsi, dans la relation de soin, l’éthique de Levinas
pense l’altérité en mettant l’accent sur l’autre (malade) qui, dans sa posture de
vulnérable, invite à prendre soin de lui, à être responsable pour lui. La relation
avec lui est comprise comme responsabilité asymétrique. Ricœur, quant à lui,
ne fait pas d’autrui la principale gure de l’altérité. L’altérité ne se réduit pas
à l’altérité d’un autrui mais elle prend en considération le soi. Ce dernier est
toujours traversé par l’altérité. Ricœur conçoit l’altérité sous le prisme de la
réciprocité ; réciprocité qui signie le mouvement du soi (soignant) vers l’autre
(malade), répondant à l’interpellation du soi par l’autre. On parle de réciprocité
dans la mesure où ce qui est donné appelle un don en retour an d’établir une
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forme d’égalité. À ce niveau, le malade doit pouvoir donner en retour ce qu’il
reçoit à travers la reconnaissance et la gratitude.
Bien que ces deux philosophes semblent avoir une vision diérente de l’altérité,
il n’en demeure pas moins que leurs éthiques, mises ensemble, contribuent
à promouvoir un climat apaisé et serein dans les hôpitaux. Une relation de
respect et de sympathie mutuelle entre soignant et malade favorise la mise en
commun d’un projet de soins ecace. En eet, soignant et malade ne sont
pas des adversaires, mais des partenaires qui doivent unir leurs eorts pour
lutter contre l’ennemi commun qu’est la maladie. Si le soignant est convoqué
dans sa technique à prendre soin du malade dans le respect de sa dignité, ce
dernier en retour doit avoir une attitude respectueuse et courtoise à son égard.
La capacité du soignant à s’estimer soi-même est liée à la reconnaissance
que lui témoigne le patient. Ce qui est donné en retour de la sollicitude, c’est
l’idée de l’humanité commune et la reconnaissance de la valeur de la vie. La
sollicitude fait ainsi appel à une éthique de la réciprocité dans le soin. À la
lecture de ces deux philosophes, ces mots de Frédéric Worms trouvent tout
leur sens : « le soin n’est pas seulement une relation asymétrique. Il est aussi
et toujours une relation entre des êtres libres et égaux » (2012, p. 31). Il ne
s’agit pas ici de concevoir une relation marchande, mais une reconnaissance
mutuelle fondée sur la conance et le respect. Les institutions sanitaires
ne sont pas des usines complètement mécanisées. Ce sont également des
lieux l’aspect humain doit demeurer présent grâce aux échanges entre
soignant et malade : d’où la nécessité de prendre en considération la relation
à l’autre et de la soigner. Au-delà de la dimension thérapeutique, la prise
en compte de l’autre (soignant/malade) dans sa singularité est indispensable
pour donner sens à la pratique soignante et établir un climat de conance
indispensable pour lutter contre la maladie. Il est important de passer d’une
relation technique ou mécanisée à une relation éthique qui met l’accent sur
l’altérité et fait appel à l’écoute, le respect, la sympathie, le dialogue et la
reconnaissance mutuelle.
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