Doi:
https://doi.org/10.19053/01227238.11921
Artículos
L'orchestre: un milieu de convivence etd'éducation au sein
des prisons
La orquesta: un lugar de convivencia y de educación en las cárceles
The
orchestra: convivence and education within prisons
Marie-Pierre Lassus*[1] https://orcid.org/0000-0002-3150-7985
*Université de Lille, France
RÉSUMÉ
L'objectif est de montrer comment l'orchestre peut être un lieu
d'éducation capable de redonner confiance et estime de soi aux personnes
détenues et améliorer le vivre-ensemble dans les prisons. L'étude s'appuie sur
la méthodologie de la recherche-action
(qualitative-quantitative)
et de la recherche-création pour montrer que les valeurs apprises dans l'orchestre
(écoute, responsabilité,
discipline, solidarité, convivence)
sont applicables au quotidien et peuvent engager des processus de transformation en faisant découvrir à chacun des possibilités inédites qui facilitent
la réinsertion dans la vie sociale. Dans le contexte des prisons françaises, caractérisées aujourd'hui par une surpopulation
croissante générant conflits et violence, ou celui des prisons
vénézuéliennes où ces problèmes sont récurrents, la création d'orchestres est un projet politique, visant à instaurer un espace commun et personnel où peuvent
interagir les personnes détenues vouées en ces lieux à la séparation et à la fragmentation des espaces et du temps. En conclusion, l'éducation ne peut avoir
lieu sans la création d'un milieu
convivial (au sens donné par le mouvement international convivialiste) où s'affirment les principes d'individuation et d'opposition créatrice qui sont
au fondement de toute véritable démocratie comme de l'orchestre conçu comme une micro-société.
Mots - clé: orchestre; milieu; prison ; éducation
; convivialisme.
RESUMEN
El objetivo es mostrar cómo la
orquesta puede ser un lugar de educación capaz de devolver la confianza y la
autoestima a los detenidos y mejorar la convivencia en las cárceles. El estudio
se basa en la metodología de
investigación-acción (cualitativa-cuantitativa) y de investigación-creación
para mostrar que los valores aprendidos en la orquesta (escucha,
responsabilidad, disciplina, solidaridad, convivencia) son aplicables en la
vida y pueden iniciar procesos de transformación introduciéndose entre sí en
nuevas posibilidades que facilitan la reintegración a la vida social. En el
contexto de las prisiones francesas, caracterizadas hoy por un hacinamiento
creciente que genera conflictos y violencia, o el de las prisiones venezolanas
donde estos problemas son recurrentes, la creación de orquestas es un proyecto
político, dirigido a establecer un espacio común y personal donde los detenidos
puedan interactuar en estos lugares separación y fragmentación de los espacios
y tiempos. En conclusión, la
educación no puede tener lugar sin la creación de un ambiente de convivencia
(en el sentido dado por el movimiento internacional de Convivencia) donde se
afirman los principios de individualización y oposición creativa, que están en
la base de cualquier democracia, así como la orquesta concebida como una micro-sociedad.
Palabras clave: orquesta; medio ambiente; prisión; educación;
convivencia.
ABSTRACT
The aim is to show how the orchestra could be a convivence "milieu" and an education place that is
able to restore confidence and self-esteem to convicts and improve the living
together in prisons. The study is based on the research-action methodology (qualitative-quantitative) and the research-creation
to show that the learned values inside the orchestra (listening,
responsibility, discipline, solidarity, convivence),
can be apply in everyday's life and can initiate a processus of change by introducing each other to new
possibilities that facilitate reintegration into social life. In the context
of French prisons characterised nowadays by a growing
overcrowding causing conflicts and violence, or within dedicados
a la
Venezuelan prisons where these problems are repeated, the creation of orchestra
is a political project aimed to establish a personal and community aera where convicts can interact in these places dedicated
to separation and fragmentation of spaces and time. In conclusion, education cannot take place without the creation of a
friendly "milieu"(in the meaning given by the international convivialist
movement) where the principles of individualization and creative opposition are
asserted, which are at the foundation of any true democracy as well as the
orchestra conceived as a micro-society.
Key words: orchestra; "milieu"; prison; education; convivialism.
Accueil: 16/12/2019
Évaluation: 17/04/2020
Acceptation: 28/05/2020
L'objectif est de montrer comment l'orchestre
participatif dans les prisons (et ailleurs) peut être un lieu d'éducation capable de
redonner confiance et estime de soi aux personnes détenueset
contribuer à l'amélioration de leurs conditions de vie, par la création d'un
milieu convivial. Après avoir évoqué l'univers carcéral comme lieu de séparation des
mondes, je mettrai en regard le cas des prisons françaises, caractérisées
aujourd'hui par une surpopulation croissante, génératrice de conflits, avec
celles du Venezuela où la violence est récurrente. La création, depuis 2008,
des orchestres et deschoeurs pénitentiaires par El Sistema[2] vénézuéliena eu pour effet de la réduire en donnant des
possibilités de réinsertion aux détenus. Je prendrai l'exemple de ce programme
social de la musique, inclus par L'UNESCO dans le projet interdisciplinaire Hacia una Cultura de Paz, en 1995 et, en 1999, lors de
la Conférence Générale à Paris, en faveur de l'éducation artistique et de la
créativité pour la construction d'une culture de paix, comme référencehistorique d'inclusion sociale et de participation
communautaire. Par la suite, plus de vingt - cinq pays ont cherché à adapter à
leurs contextesce modèle j'ai moi-même adapté à
l'université de Lille (France) et sa région.
1. La prison: lieu de
l'altérité et de la violence
Pour la plupart des citoyens, la prison est une zone
d'ombre qui marque une ligne de partage entre deux mondes : ceux qui participent
à la vie en société et les
autres qui en sont exclus,vivant
dans un monde à part, étranger à la vie civile mais qui n'en reste pas moins un
lieu de vie.Considérée abstraitement la prison
est toujours pour lesautres, radicalement autres, coupés du
monde et de la société. Elle a pour effet de produire de l'altérité en créant
une frontière entre deux sortes d'humains. Pénétrer dans ce lieu exige de tout
laisser, et d'abord, son identité. D'emblée, le prisonnier comme le citoyen est
mis à l'épreuve et doit s'ouvrir à l'étrangeté de ce mondesingulier
qui se présente concrètement comme une succession de portes à franchir comme
autant de frontières séparant les espaces et les êtres :
Ces espaces sont reliés entre eux par des
circulations dans lesquelles les détenus ne font que passer pour aller d'une
micro-prison à une autre, sous le contrôle, direct ou indirect, des
surveillants. Aussi, il n’y a pas d'espace dans la prison qui ne réponde à un
usage spécifique, l'entre-deux, la frange, n'a pas d'existence propre...[3].
D'après Hanna Arendt, il n'y a de « monde » que commun, formé par une
« pluralité d'individus singuliers »[4], condition
même du politiquequi se définit selon elle par les
relations que les humains établissent entre eux. « Le monde, comme tout entre-deux, relie et
sépare en même temps les hommes » [5],
affirme H. Arendt pour qui vivre, sentir, agir, partager, actes qui sont au
fondement de notre existence au monde, ont pour point commun de nous mettre à
l'écoute de cet entre-deux. À cet égard, la prison se présente comme un «
antimonde » [6], un « trou
noir », le produit d'une société « qui prend part à l'édification d'un centre
et de marges sociaux et spatiaux ». Il s'agit d'un lieu « articulé aux réseaux
de la marginalité et aux systèmes de contrôle et de régulation »[7].En
prison il n'y a pas d'entre-deux
: tout est fait pour qu'il n'y en ait pas ; ce qui rend ces lieux inhumains : «
Arrivé en prison, on perd son statut d'humain » affirment les détenus qui en
font l'expérience dès leur première entrée dans ces lieux. Cela commence par
l'architecture : dans les nouvelles constructions, cellules, ateliers, salles
de classe, cours de promenade sont des prisons dans les prisons. La «
population » carcérale est répartie en unités visant à séparer les hommes des
femmes et ceux jugés les plus « dangereux », mis momentanément en « quartier
d'isolement ». Mais il y a plus. L'espace manque aux détenus, confinés dans des
cellules où ils ne disposent pas du minimum vital : tel est le constat de la
Cour européenne des droits de l'homme qui vient de condamner la France pour
avoir violé l'article 3 de la convention européenne selon lequel « nul ne peut
être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains dégradants ».
Au 1er octobre 2019, les prisons françaises contenaient 70818
détenus pour 61065 places, avec, dans 48 établissements, une densité supérieure
allant de 150% à 200% (pour sept d'entre elles). Le droit de recours ayant été
prévu dans l'article 13 de cette convention, la France est condamnée
aujourd'hui à indemniser les 32 plaignants[8] pour le
manque d'espace (3m2) subi pendant toute la durée de leur peine (sur
plusieurs années) et les conditions indignes d'habitation (matelas au sol avec
parfois la présence de punaises, rats ou cafards), les privant de tout accès à
l'enseignement, aux soins et à la cour de promenade. Il est imposé aujourd'hui
à la France de résoudre le problème et de permettre l'accès aux activités de
formation et de travail à tous les détenus. Considérée par la Cour européenne
comme un « traitement inhumain », la surpopulation carcérale a des conséquences
dans l'organisation de la vie quotidienne en prison[9]. Même si nous
n'avons pas connu ces situations extrêmes lors de nos interventions dans les
onze prisons du Nord de la France, nous avons pu observer des conditions de vie
difficiles en maison d'arrêt spécialement où il n'est pas rare de trouver
plusieurs personnes vivant dans une cellule de 9 m2. Comment
intervenir dans ce contexte et avec quel(s) moyens ? En tant que communauté
dont la caractéristique est de se former dans le double objectif de s'accorder
et de « s'opposer sans se massacrer»[10], l'orchestre
peutpermettre de retrouver une certaine convivence et proposer une réponse à la question de la
violence et de la réinsertion, l'une des principales missions de ces
établissements, selon la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009[11].
Il y est affirmé la nécessité de préparer le retour des détenus dans la société
dèsla prison, considérée comme lieu d'apprentissage,
de formation et de travail. Maiscomment résoudre ce
paradoxe de la réinsertion par l'enfermement en France quand on sait queles conseillers pénitentiaires d'insertion et de
probation (CPIP), en charge d'une multitude de dossiers (environ 80 à 130
dossiers chacun) ne peuvent pas, à eux seuls, répondre à cette mission ?
Comment concilier éducation et punition, travail éducatif et discipline ?[12]
S'il est admis, en théorie, que « la finalité de la prison ne se résume pas à
l'expiation mais implique la
transformation du détenu »[13], celle-ci ne
peut s'accomplir que dans un milieu propice, grâce à l'accueil des citoyens. Le
système pénitentiaire espagnol offre aux personnes détenues et en particulier
aux femmes[14],
victimes le plus souvent de violences,des
programmes spécifiques afin de leur donner accès à une éducation (élémentaire,
secondaire ou supérieure) susceptible d'améliorer leurs conditions de vie, liées à la pauvreté (plus
importante que chez les hommes). Elles peuvent ainsi trouver en prison les
moyens de remédier à cette carenceéducative et
profiter de ce temps d'incarcération pour se former. L'étude réalisée par Fanny
Añaños dans les prisons
d'Espagne montre que 84,3% d'entre elles participent à ces programmes de
formation et peuvent ainsi initier un processus de changement. Même si le
niveau d'instruction reste faible en général, la mise en place de ces
programmes et les interventions socioéducatives les aident à sortir de leurs
conditions de vulnérabilité. D'après cette étude, l'éducation en prison serait
une voie possible de transformation chez les personnes détenues qui peuvent
ainsi préparer leur sortieen développant les
capacités nécessaires pour mener une vie créatrice et responsable[15].
Si l'on admet que tout conflit, dès lors qu'il est conscientisé, peut mener à
des processus de changement, il est possible de concevoir la prison comme un
espace d'éducation et de socialisation. Celui-ci a pris la forme d'orchestres
et de choeurs au Venezuela, dont le but visé par son
créateur, K-L Mora Aragon[16],
est la transformation des conduites et la réinsertion sociale.
2. Les orchestres pénitentiaires au
Venezuela
La violence générée par les conflits
dans les prisons vénézuélienne a été atténuée de 2007 à 2017 grâce à la
création de ce programme musical issu de El Sistema ciblantune meilleure utilisation,
constructive, du temps passé en détention. Le but de ce programme était de
promouvoir à
travers l'apprentissage musical, une (ré) éducation, de valeurs sociales et
existentielles par une méthodologie centrée sur la participation active.
Pratiquée de manière intensive (de 8H à 16H du lundi au vendredi) la musique
est répartie au quotidien entre cours collectifs et cours individuels en vue
des répétitions préparant aux concertsintramuros et
hors les murs. C'est ainsi que chaque année, en décembre se réunissent les
prisonniers des huit prisons, pour jouer authéâtre Teresa Carreño, (l'une des plus grandes salles de
concert de la ville de Caracas) où ils sont applaudis par les citoyens venus
(nombreux) les écouter. Le processus d'apprentissage intensif et ininterrompu
permet de faire gagner rapidement en dextérité les détenus, qui peuvent ainsi
accroître, en même temps que leur niveau technique,leur auto-estime par le sentiment d'exister de se
sentir « capables ». Car ne sont pas seulement des capacités musicales qui sont
visées dans ce processus sinonla transformation de la personne et de sa conduite
envers les autres et envers lui-même. Le respect et l'écoute, le sens de la
responsabilité (de l'instrument attribué comme de sa présence régulière à
l'orchestre) et de la solidarité acquis par le travail d'équipe, fait de ce
programme, un véritable projet de vie développant l'autonomie et la prise de
décision, nécessaires à tout citoyen. La musique, en tant que pratique
relationnelle et non verbale, devient un mode d'existence facilitant les
relations avec autrui que l'on apprend à respecter et à encourager pour
l'effort accompli. Comme le dit Kleibert Lenin Mora Aragon, l'initiateur de ce
projet, « nous ne cherchons pas tant à former des musiciens que des citoyens
susceptibles de se réinsérer dans la société de manière durable »[17].
De fait son étude montre que parmi les 8000 personnes ayant participé à
l'orchestre pénitentiaire seulement 10% d'entre elles ont récidivé. Visant au
début les 10% de la population carcérale, ce chiffre a été largement dépassé
dès le début du projet où l'on comptait 30% voire 90% de volontaires dans
certaines prisons. Par ailleurs, il arrive que d'anciens détenus soient
intégrés à leur sortie dans les orchestres de El Sistema en raison de leur haut
niveau musical. Quant aux autres ils peuvent également devenir musiciens et
intégrer des écoles de musique ou conservatoires pour y enseigner.Dans
ce projet, l'accent est mis sur la relation entre le comportement musical et le
comportement social et individuel, le premier pouvant agir de façon bénéfique
sur le second. Pour pouvoir en rendre compte, des questionnaires ont été
distribués aux participants et des entretiens ont eu lieu avec des détenus et
des ex-détenus, des surveillants, les familles, ainsi que les enseignants. Les
résultats obtenus entre 2007 - 2018 sont reportés dans le tableau d-joint où l'on peut voir apparaître à gauche les
indicateurs de valeurs à acquérir dans l'orchestreL’orchestre
: un milieu de convivence et d’éducation au sein des
prisons (responsabilité et discipline, respect, motivation, auto-estime,
émotions négatives et positives, engagement, communication et solidarité) avec
les questions correspondantes tandis que les objectifs apparaissent dans la
colonne de droite en regard de l'auto-évaluation des détenus.
Significatifs sont les résultats concernant l'auto-évaluation
montrant que 94,25% parvenaient à des limites jamais atteintes de leurs
possibilités, tandis que plus de la moitié affirmait avoir accompli, grâce à ce
projet, l'accord de « convivence ». Le sens de la
responsabilité, la discipline, le respect, l'autoestime,
l'engagement, le travail d'équipe, la tolérance et la façon de gérer ses
émotions, ont été apprises dans l'orchestre devenu un lieu d'éducation à la vie
tant individuelle que collective. 100%ont répondu positivement à la
satisfaction procurée par cette pratique qui, pour 100% a permis de renforcer
leur identité en répondant à leur besoin vital d'expression.
Ayant pu me rendre au Venezuela pour les voir travailler, j'ai pu constaterl'acquisition de ces valeurs, tant dans les
orchestres juvéniles et infantiles que dans les prisons vénézuéliennesoù
les personnes détenues témoignaient volontiers de leur joie de jouer et de se
découvrir des capacités ignorées grâce à cette pratique musicale exigeante qui
mobilise un travail sur soi, autrement dit une éthique susceptible
de les transformer[18].
TABLA 1. CUESTIONARIO
APLICADO A LOS PRIVADOS DE LIBERTAD 2007 - MARZO 2018
Fuente:
Mora Aragón K.L., Trascendencia de la conducta a
través de la práctica orquestal enambientes poco
gratificantes. Informe técnico (2007-2018).
Dans cette expérience,K-L Mora Aragon
a fait le lien entre
comportement musical et comportement individuel/social. Il a
pu vérifier son hypothèse selon laquelle l'implantation d'orchestres dans les
lieux de conflit et de violence peut être un facteur de réinsertion sociale et
de transformation de la personne. Ce fut à l'origine de mon travail à Lille
(France) où j'ai développé une autre approche de l'orchestre, fondée sur la
participation de citoyens musiciens et non-musiciens pour créer un espace commun au sein des prisonset permettre la rencontre entre les mondes à travers
la pratique musicale et le jeu. Ce projet est aujourd'hui intégré dans une formation que j'ai créée à
l'université de Lille.
3. L'orchestre participatif à Lille
(France)
Fondé sur la participation de citoyens bénévoles
(étudiants, enseignants et chercheurs de toutes disdplines)l'orchestre
participatif,
ouvert aux musiciens et aux non-musiciens,a été créé
et pratiqué depuis 2008 à l'université de Lille, dans le cadre du master Art et
Responsabilité Sociale (ARS) que je dirige et, pendant trois ans, dans le
programme Chercheurs Citoyens Le
Jeu d'Orchestre, (2011 - 2014), financé par le Conseil Régional
du Nord, en collaboration avec l'association Hors-Cadre[19].
Dans des lieux voués à la fragmentation et à la
séparation des espaces comme le sont les prisons, rassemblerpendant
des journées entières et parfois pour deux semaines, des personnes inconnues au
sein d'un même lieu pour y créer, grâce à l'orchestre, un milieu convivial, est
un projet politique (au sens de H. Arendt et M. Mauss). L'occupation de
l'espace (le gymnase, généralement) et du temps, celui, imprévisible, de la
musique, contre la routine et l'emploi
du temps (particulièrement contraint dans les Etablissements Pénitentiaires
pour Mineurs), reste un défi. Pour qu'une rencontre puisse avoir lieu entre des
mondes aussi différents que celui de la prison et celui de l'université, il
faut quitter son identité (de chercheur, d'étudiant, d'enseignant ou de détenu)
et abandonner tous préjugés pour pouvoir s'ouvrir à l'altérité : tel est
l'enjeu d'un effort collectif qui nous place dans une posture de non-savoir[20], considérée à la
fois comme une éthique et une méthodologie dans les projets que je mène à
Lille. Je précise que le non-savoir,
loin d'être une ignorance, requiert au contraire un dépassement difficile de la
connaissance pour pouvoir créer une relation d'égalité entre les participants,
tous venus pour jouer,
sans autre finalité.
Le jeu et le non-savoir : une posture
éthique
En tant qu''activité
ayant sa fin en soi[21]
et dont la fonction sociale a été décrite par Johan Huizinga, le jeu est
central dans notre projet dont le but n'est pas d'apprendre la musique ni de
l'utiliser à des fins thérapeutiques mais d'instaurer une dynamique, où
s'affirme la liberté et lele plaisir de jouer. Cette
action, précise Huizinga, s'accompagne d'un sentiment de tension et de joie, de
conscience d'être « autre » que dans la vie quotidienne[22]. Jouer au
sein de l'orchestre conduit à établir des relations de groupe qui permettent à chacun d'éprouver
le sentiment d'exister en tant que sujet vivant et agissant. Ainsi, le jeu apparaît
en réalité comme une quête de soi, une façon de se chercher en se perdant et en
se retrouvant sans cesse, pouvant mener à une véritable création de soi et du
monde[23]
:« c'est en jouant et peut-être
seulement quand il joue que l'enfant ou l'adulte est libre de se montrer
créatif et de découvrir le soi » affirme le psychanalyste D-W Winnicott
[24]
pour qui le jeu est universel
et correspond à la santé.Selon lui l'art est un jeu
et si les humains jouent, c'est pour des raisons vitales. Cela permet deretrouver une vie
créatrice c'est-à-dire « le fait de ne pas être tué, annihilé
continuellement par soumission
ou par réaction au monde qui empiète sur nous » et « le fait de
porter sur les choses une regard toujours neuf » [25].
Cette relation entre jeu et liberté avait déjà été observée par le poète
Novalis (1772 - 1801) : « [...] c'est dans le jeu seulement que l'homme prend
véritablement conscience de sa nature propre, de sa liberté... lorsqu'il
parvient« sentir et à
penser tout en laissant ses sens remplir leurs fonctions pratiques.il fait
l'expérience intime de la liberté la plus parfaite et du plus jubilatoire
sentiment de puissance » [26].
Ainsi, ce qui formera les liens entre les individus au sein d'un orchestre, ce
sera autre chose que le verbe : un langage sensoriel, symbolique et non une forme communicative[27]
où chacun est obligé de faire silence et de déployer une attention
soutenue pour pouvoir écouter l'autre. Or, écouter n'est autre qu'entrer dans
le son et « se
changer soi-même en son en existant en lui » [28]
et dans les silences qui le
produisent (avant et après son émission). Ainsi définie comme l'ensemble formé par les sons et
les silencesappelés mapar
le compositeur japonais Toru Takemitsu
(1930 - ), la musique est le produit d'un silence et y retourne ; et c'est dans
ces ma « inquantifiables et tendus dynamiquement. emplis
d'innombrables sonorités »[29]
que se crée la véritable musique, vivante.
Saisir ces espaces - temps entre
les gens et la musique est le but de toute pratique collective qui mobilise
avant tout cette écoute à la fois sensorielle et intuitive de tout le corps que
nous savons mobiliser parfois au quotidien dans notre relation aux autres et au
monde, sans y faire attention. Ainsi, celui qui fait l'expérience de l'orchestre
fait l'expérience d'un temps musical qui le renvoie à un temps vécu pour
soi-même et partagé avec d'autres ; la musique étant éprouvée dans ce jeu comme
une succession discontinue d'instants sonores, situés hors du temps
chronologique, elle libère l'individu plongé au sein d'un milieu bienveillant,
au sens mésologique du terme.
Le Milieu
À la suite du philosophe et géographe Augustin
Berque (1941- ), le fondateur de la mésologie (ou étude des milieux humains),
je distingue l'environne- mentdumilieu. Toujours à
construire, le milieu se définit comme « l'ensemble
des relations éco-techno-symboliques que l'humanité crée à partir
d'elle-même et de la matière première qu'est l'environnement »[30].
Cela signifie que nous sommes reliés au monde d'une façon dynamique, dans un
va-et-vient incessant,par
les sens, la parole et l'action. Or, ces relations de réciprodté,toujours à créer, au sein d'un milieu (celui de
l'orchestre en particulier) ne
sont pas mesurables : elles relèvent de l'art dont l'étymologie
(AR) donne l'idée de jointure, d'articulation entre deux choses ou entre deux
êtres ; ce que résume le trait d'union dans l'orthographe de notre langue[31].
Dans la perspective qui est la nôtre, l'art consiste à créer par la musique et
la pratique d'orchestre, un milieudistinct
de l'environnement carcéral, qui puisse service demédiation
entre les êtres et ouvrir un monde[32]. Dans ce
milieu humain
(c'est-à-dire dynamisé par des relations réciproques) et concret de l'orchestre,il est possible de croître ensemble
comme l'indique l'étymologie du mot (concret
: cum crescere).
Par cette forme d'existence en relation[33], il s'agit
de déployer des capacités d'attention, base de toute éducation, indissociable
d'un milieu confiant, qui permette à tous de se répondre et à
chacun de répondre au
monde et du monde.
Dans cet espace commun, créé entre des personnes inconnues et responsables au sens
qui vient d'être donné, peut alors se former une « pluralité d'individus
singuliers »(Arendt) soutenus par une dynamique commune ; ce qui est la
définition même de la politique qui prend naissance, selon Hannah Arendt dans l'espace-entre-les-hommes
et se constitue comme relation
dans cet espace intermédiaire. En élaborant un sens commun par et pour les citoyens,l'orchestre acquiert
ainsi une fonction politique,dans le contexte de la
prison qui vise au contraire à séparer
les êtres.
Parmi eux, certains se sentent coupés du monde et de
leurs semblables, ayant perdu le lien avec la vie. Le psychiatre musicien
Kimura Bin, utilise ainsi la musique pour recréerce
lien et faire sentir cette intuition de la vie par la pratique musicale
collective qui favorise les interactions auprès d'individus schizophrènes. Car la vie on la ressent, on ne saurait
la connaître[34] et les mots sont impuissants à donner l'idée immédiate de
cette vie. Or, la musique émane de l'acte de vivre ;elle
est (comme la danse) un jaillissement de la vie sous sa forme primitive et
originelle[35],
autrement dit un rythme
libre et singulier (et non pas une « mesure ») que chacun peut s'approprier
dans son jeu. Considérée comme une activité
vitale(et à ce titre, aussi fondamentale
que de manger, de dormir, de se reproduire »[36] selon
Kimura Bin), la musique permet de retrouver un statut de sujet, en parole et
en acte, relié à la réalité extérieure comme à son propre fond vital : c'est
sous ce double rapport seulement qu'il devient unsujet
vivant et agissantcapable de sentir et donc de penser.
Or, nous ne vivons que par le maintien de cette relation vitale qui échappe à
la mesure,dans le sentir et
dans l'agir que le travail musical accompli au sein de l'orchestre nous fait
éprouver. Cette éducation sensorielle s'avère essentielle au quotidien dans les
rapports humains ; car apprendre à sentir
c'est non seulement apprendre à vivre ensemble mais aussi à penser.
Restaurer la capacité de sentir et de
penser
Si l'on admet que la capacité de sentir est
indissociable de la capacité de
penser[37]
(comme l'a démontré le neurologue Antonio Damasio,
pionnier dans la découverte de ce lien entre émotion et cognition, ou émotion
et créativité[38]),
la musique a un rôle essentiel à jouer dans nos sociétés, offrantune
« invitation pour un voyage commun vers des destinations personnelles »[39].Chez
des êtres dont les visages, impassibles et fermés semblent avoir perdu la
capacité même de sentir c'est-à-dire, ce qui faisaient d'eux des êtres humains,
il fut particulièrement gratifiant tout au long de ces années, d'observer leur
transformation et voir ces visages sourire en s'ouvrant progressivement à la
musique et aux autres pendant les séances. Comment mesurer celascientifiquement
? Ce liant que
nous avons établi à travers la musique autour de la personne détenue, par les
sens, les silences et les sons, les regards et les gestes, et dont les
résultats sont visibles sur les corps (à travers les sourires notamment) est
hors de portée de la science comme de tout contrôle. Car ce qu'il y a entre les gens dans
la vie comme dans la musique, relève de la sensibilité, fruit de la relation et de
l'attention portée à chacun et à autrui. Ce qui n'est autre qu'une forme de
soin, engageant la responsabilité de chacun au milieu de l'orchestre, devenu un
lieu d'éducation à
l'attention, une compétence vitale mobilisant avant tout la
capacité de sentir.
Cela fait de l'éducation un
art de l'attention comme l'a exprimé l'anthropologue musicien Tim
Ingold[40]
et une pratique des langages sensoriels.Cetteattitude
qui consiste à écouter avec tout son corps pour rencontrer les choses
et les êtres, fait déployer tout un champ de résonances et de réciprocitéset donne la joie
de jouer. Celle-ci est fondamentale car elle s'oppose à la
tristesse et l'indifférence qui coupent les sujets d'eux-mêmes et de leur
potentiel de créativité comme le faisait remarquer le philosophe Spinoza (1632
- 1677) pour qui un tyran a intérêt à entretenir la tristesse pour mieux
manipuler ses sujets[41].
Penser le sujet vivant
et en relation de réciprocité avec un milieu qui le crée autant qu'il le crée,
implique une nouvelle anthropologie où le sujet,jamais « fixé » dans une identité, est conçu comme
point de contact entre l'organisme et le monde. Telle est l'hypothèse sur
laquelle nous nous appuyons pour affirmer l'idée qu'un individu ne peut pas
être réduit à ce que l'on dit de lui et qu'une identité n'est jamais donnée.
Seul existe le processus
jamais achevé de l'identification[42]
en relation avecun milieu toujours
changeant dont il dépend largement. Ainsi, « la délinquance » n'est pas un état
permanent ; le processus de sortie existe aussi (la désistance).
Mais si tout être humain a la responsabilité de transformer en acquisition active la passivité
d'une identité reçue pour conquérir sa liberté, cette mutation ne peut
s'accomplir sans le soutien d'une société qui se montrera accueillante et
conviviale.
L'orchestre comme milieu convivial
L'orchestre a été ici conçu comme une mini-société
où la réussite s'accomplit collectivement, pouvantapporter
des éléments de réponse à la question de la réinsertion des personnes détenues
depuis la prison même. Dans cette perspective, l'orchestre participatif que nous avons
créé dans d'autres milieux que l'environnement carcéral, doit être reconnu
d'utilité publiquecar il contribue à améliorer les
conditions de vie des personnes en favorisant le convivialisme[43],
devenu aujourd'hui une philosophie nécessaire au vivre-ensemble.
La situation dans laquelle nous nous trouvons,nous oblige à nous
entendre au niveau mondial sur les valeurs essentielles à défendre pour la
survie, tant matérielle que morale, de l'humanité et sur ce que signifie ce mot
d'humain. L'appât
du gain, le culte du moi et l'indifférence qui constituaient
jusqu'à présent la norme sociale ne sont pas propices à la construction d'un monde reposant sur
d'authentiques relations
entre les gens (autres que l'argent et le marché) et dans lequel il serait
possible de «s'opposer sans
se massacrer» (M. Mauss). Tel est le constat du mouvement International Convivialiste[44]
dont les auteurs ont repéré dans leur Second manifeste les deux principaux
fléaux qui menacent aujourd'hui l'humanité: l'explosion mondiale des inégalités
dues à une sur-consommation illimitée, et d'autre
part les menaces climatiques aux conséquences à la fois économiques, sociales
et humaines croissantes. Face à ces dangers, l'urgence est de coopérer afin de
repenser notre existence sur de nouvelles bases, en pratiquant l'art de la convivence ou art de vivre ensemble (con-vivere)
qui met au centre la relation entre les humains ; dans cette
philosophie, il s'agit de prendre soin des autres et de la nature selon une
éthique déclinée en cinq principes: commune naturalité, commune humanité,
commune socialité, légitime individuation et opposition créatrice; ces deux derniers principes
qualifient selon nous le travail artistique, celui de l'orchestre
en particulier, qui permet à chacun de développer son individualité et ses
capacités propres au service de la collectivité tout en permettant de se différencier
(par la pratique d'un instrument singulier) et de s'opposer de manière
bienveillante, ce qui est au fondement de toute véritable démocratie comme de
l'orchestre.
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Cómo citar: Pierre Lassus - Marie. "L'orchestre : un milieu de convivence et
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(2020): 103-117 https://doi.org/10.19053/01227238.11921.
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Colombia.
[1] Professeur
titulaire en musicologie, Faculté d’Arts et Humanités, Université de Lille
(France). Directrice du master international Art et Responsabilité Sociale.
Courrier électronique : marie-pierre.lassus@univ-lille.fr.
[2] Adopté par l’Etat comme politique
nationale, El Sistema,connu
sous le nom de El Sistema de Coros y Orchestas Juveniles e Infantiles
de Venezuela constituye un exemple de programme social et
artistique. Créé en 1975 par le vénézuélien José-Antonio Abreu
(19392018), musicien et économiste, ce programme d’éducation
musicale, rendu accessible à tous les jeunes par la gratuité de l’enseignement
et des instruments (de grande qualité) qui leur sont donnés, se maintient
encore aujourd’hui malgré la situation économique du pays qui compte une
majorité de jeunes. En 2015, le Venezuela était parsemé d’orchestres: 285 de la
Petite Enfance (entre 4 et 6 ans) ; 220 orchestres d’Enfants (entre 7 et 16
ans), 180 de Jeunes (entre 16-22 ans) 30 orchestres professionnels, 360 groupes
choraux, 1355 groupes choraux affiliés et 15000 professeurs (ainsi que 2à
ateliers de lutherie).
[3] Didier
Cholet (dir), Les
nouvelles prisons. Enquête sur le nouvel univers carcéral
français. (Rennes : PUR, 2015), 218.
[4] Hannah
Arendt,Qu’est-ce
que la politique ? Texte établi par Ursula Ludz.
(Paris : Seuil, 1995), 42.
[5] Ibid.
[6] Olivier
Milhaud Olivier et Marie Morelle,« La prison entre
monde et antimonde ». Géographie et
culture. (57), (Paris : L’Harmattan,
2006),
11.
[7] Ibid.
[8] Issus
des prisons de Ducos (Martinique) Faa’ Nuutania (Polynésie française), Baie-Mahault (Gaudeloupe), Nice et Fresnes (Val de Marne). Dans la Maison
d’arrêt de Toulouse-Seysses,271 matelas au sol ont été
installés en juillet 2019, tandis que le taux d’occupation de celle de Nîmes
s’élève à 200%. Source : Jean-Baptiste Jacquin, «
Surpopulation carcérale : la France condamnée, Le
Monde 1er février 2020.
[9] Par
exemple, les détenus sont obligés d’attendre deux ou trois mois pour pouvoir se
rendre à l’activité sport, une activité très prisée par les hommes en milieu
carcéral. Cette attente peut aussi concerner la mise à exécution d’une sanction
(quartier d’isolement ou quartier disciplinaire), sans parler de l’augmentation
de travail du surveillant en charge de 120 à 130 détenus par journée dans les
maisons d’arrêt de Toulouse et de Nîmes notamment.
[10] Selon
la formule de Marcel Mauss qui définit ici le politique : « C’est ainsi que
demain, dans notre monde dit civilisé, les classes et les nations et aussi les
individus, doivent savoir s’opposer sans se massacrer et se donner sans se
sacrifier les uns aux autres »,Marcel, Mauss, Essai sur le don : forme et raison de
l’échange dans les sociétés archaïques. Sociologie et anthropologie.
(Paris : PUF, 1950).
[11] Loi du 24 novembre 2009, article 1 : « le régime d’exécution de la peine de
privation de liberté concilie la protection de la société, la sanction du condamné
et les intérêts de la victime avec la nécessité de préparer l’insertion ou la
réinsertion de la personne détenue afin de lui permettre de mener une vie
responsable... ».
[12] Chantraine, Gilles
et Sallé Nicolas. Eduquer et punir. Travail éducatif,
sécurité et discipline en établissement pénitentiaire pour mineurs. Vol:
54. N°3 (2013).
[13] Cesare
Beccaria, Des délits et des
peines. Traduction de Maurice Chevallier. Préface de Robert
Badinter (Paris : Flammarion, 1991, [Genève 1965]), 23.
[14] Même
si celles-ci ne représentent que 7,64 % de la population pénitentiaire, ce taux
est le plus élevé en Europe/
[15] Añaños-Bedriñana, F.T., & García-Vita, M.M.
(2017. ¿Desarrollo humano en contextos
punitivos? Análisis Socioeducativa desde las vulnerabilidades sociales y el
género. Revista Criminalidad,
59 (2): 109-124.
[16] Musicien vénézuélien (corniste), membre de
l’orchestre Simon Bolivar, Kleiberth Lenin Mora Aragon est aussi avocat, diplômé en Droit
international et humanitaire et en criminologie. Il est actuellement doctorant
de l’université de Lille.
Mora Aragón, Kleiberth
Lenin, Trascendencia de la conducta a
través de la práctica orquestal en ambientes poco gratificantes. Informe
técnico (2007-2014), 5.
[18] J’ai
pu constater dans ma propre expérience de l’orchestre participatif en France
que certains détenus avaient cessé de prendre des médicaments ou autres
substances pour pouvoir être présents
et actifs à l’orchestre.
[19] Marie-Pierre
Lassus (dir.), Le Jeu
d’Orchestre. Recherche-action dans les lieux de privation de liberté.(PUL
: 2015). Entre 2011 et 2014, le projet s’est décliné dans les onze
Etablissements Pénitentiaires de la Région Nord Pas de Calais, au sein des
Centres Pénitentiaires de Lille Annœullin, Lille Sequedin,
Longuenesse et Maubeuge, au sein du Centre de Détention de Bapaume (Quartier
Hommes et Quartier Femmes), au sein des Maisons d’Arrêt d’Arras, Béthune,
Douai, Dunkerque et Valenciennes (Quartier Hommes et Quartiers Femme) et au
sein de l’Etablissement Pénitentiaire pour Mineurs de Quiévrechain.
[20] Marie-Pierre
Lassus, Le non-savoir, paradigme de connaissance.(Louvain-Paris
: EME,L’Harmattan, 2019).
[21] Johann
Huizinga, Homo ludens, Essai sur la fonction sociale du jeu.Traduit du néerlandais par Cécile Seresia,
(Paris : Gallimard, 1988), 34-35. « Le jeu est une activité volontaire qui se
développe à l’intérieur de limites temporelles et spatiales déterminées, selon
des règles librement consenties mais indispensables ».
[22] Ibid.
[23] La
notion de jeu comme métaphore de la création est omniprésente dans la
mythologie. La création du monde y est expliquée à partir de divinités qui, à
travers leurs activités artistiques (danse, théâtre, musique...) créent
l’univers. Il est à noter, à ce sujet, que le terme sanscrit pour dieu (deva)
provient de la racine div qui signifie « jouer ».
[24] Donald
Woods Winnicott,L’enfant
et le monde extérieur, le
développement des relations.(Paris : Payot, 1972), 125.
[25] DonaldWoods Winnicott,Conversations ordinaires. (Paris,
Gallimard, 1988. [1986]).
[26] Novalis,
Les Disciples de Sais,
chap. II, Werke.(Munich :
Beck 1981), 120.
[27] Françoise
Escal, Espaces
sociaux, espaces musicaux. (Paris: L’Harmattan,
2009), 197.
[28] ToruTakemitsu, cité par Alain Poirier, ToruTakemitsu.(Paris : Michel de Maule, 1996),
63-64.
[29] Kimura
Bin, L’Entre, Une approche phénoménologique de la schizophrénie.(Grenoble
: Million, 2000), 57.
[30] Augustin
Berque,Glossaire de mésologie. (Paris :
éoliennes, 2018), 26. L’auteur distingue non seulement le milieu (à créer) de l’environnement (le donné
brut) mais également la mésologie (étude des milieux humains) de l’écologie,
centrée sur l’environnement. Historiquement, cette distinction est apparue en
biologie chez J-V. Uexküll (1864-1944) et en
philosophie chez Watsuji Tetsurô
(1889-1960).
[31] Augustin
Berque, « De milieu en mésologie. L’art de Didier Rousseau-Navarre ». Didier
Rousseau-Navarre, Les graines de
l’art. La sculpture mésologique.(Paris :
Le livre d’art, 2016), 7.
[32] Martin
Heidegger, « Lorigine de l’œuvre d’art ». Chemins qui ne mènent nulle part.
(Paris : Gallimard, 1986 [1962]), 49-50 : « Sur la terre et en elle, l’homme historial fonde
son séjour dans le monde. Installant un monde, l’œuvre fait venir la terre ».
[33] Non
seulement la relation nous précède mais elle est vitale pour lêtre humain comme l’ont démontré John Bowlby et René Zazzo dans la théorie de l’Attachement.cf. Le colloque sur l’Attachement, organisé
par E. Zazzo, (Paris : Delachaux
et Niestlé), 1979.
[34] Kimura
Bin, L’Entre.op.,
cit.,18.
[35] Kimura
Bin, L’Entre,
34.
[36] Ibid.
[37] Donald
Woods Winnicott, Conversations
ordinaires, (Paris : Gallimard, 1988. [1986]). « Quand on lit des
témoignages d’individus qui ont passé toute leur existence dans les camps de
concentration ou encore qui ont subi leur vie durant, des persécutions
politiques, .. .seules quelques-unes de ces victimes
parviennent à rester créatives tous les autres continuent d’exister mais ne vivent pas, ... Sans
doute ont-ils perdu ce qui faisaient d’eux des êtres humains » : la créativité, fruit de la capacité
d’éprouver, de sentir
». Je souligne.
[38] Né
à Lisbonne en 1944, il est le directeur de l>Institut
pour l>étude neurologique de l>émotion
et de la créativité de l’Université de la Californie méridionale depuis 2005,
après avoir été le directeur du département de neurologie de l’Université de
l’Iowa pendant dix-huit ans.
[39] Gilles
Boudinet. De
l’universel en musique. Fugues et variations d’un savoir. (Paris
: Publi sud, 1995).
[40] Tim
Ingold, l’anthropologie comme
éducation (Rennes : PUR, 2018). Dans cet ouvrage, l’auteur prend
l’art comme modèle d’éducation pour l’anthropologie.
[41] Baruch
Spinoza,Ethique,!
à V, Œuvres,
(Paris : Flammarion, 2008), 97-535. Ce philosophe montre que la recherche de la
joie comme manière d’être et de vivre, confère à la liberté et la sagesse et
devient un projet politique en s’opposant à la tristesse entretenue par les
tyrans.
[42] Jacques
Derrida, Le Monolinguisme de
l’autre.(Paris : Galilée, 1996), 53.
[43] Cemouvement est né en France à l’initiative de Alain Caillé, Manifeste
Convivialiste. Déclaration d’interdépendance. (Paris : Le Bord de
l’eau, 2013). Second Manifeste
Convivialiste International. Pour un monde post-néolibéral.
(Paris : Actes Sud, 2020). Les auteurs cherchent à élaborer une pensée et une
intelligibilité du monde afin de se mettre d’accord à l’échelle mondiale, sur
les valeurs essentielles de survie (matérielle et morale) de l’humanité,
s’interrogeant en particulier sur le sens du mot « humain » aujourd’hui.
[44] Internationale Convivialiste. Second Manifeste convivialiste. Pour un
monde post-néolibéral.(Pans
: Actes Sud, 2020).